Exposition du 21 juin au 15 août 2020 (visite sur rendez-vous)
L’exposition est composée d’une sélection d’œuvres réalisées principalement durant le deuxième semestre 2019 et le premier semestre 2020, entre la Suisse et l’Italie, entre isolement artistique et cloisonnement sanitaire. Cette période de création a débuté par trois mois de résidence à Gênes, dans le cadre des soutiens culturels de la Ville de Lausanne. Elle s’est poursuivie, dès mon retour, avec le confinement lié à la situation pandémique mondiale. Entre tranquillité introspective et bouleversements émotionnels de nos quotidiens, la palette d’expériences extraordinaires qui a rythmé mes six derniers mois a donné l’impulsion à une production de séries, pour la plupart de petits formats.
Composé essentiellement de peintures, l’accrochage dévoile un corpus d’images traversées par la notion d’éclat. Fragments, surgissements, processus, teintes, motifs… Les œuvres dévoilées dans l’espace Valentin61 sont également traversées par un autre thème récurrent dans mon travail : le rapport qu’entretient l’humain avec le minéral, recherche nourrie d’images de silex retrouvés en Suisse. Ces artefacts, structurés à partir d’éclats (qui génèrent leurs formes) et investis d’une fonction (qui confère leur statut d’objets), trouvent ici une dimension nouvelle. La reproduction en peinture de ces outils primitifs déploie leur potentiel visuel et les déplace dans les champs et les limites de la figuration/abstraction.
Miguel Menezes est né en 1984 à Vila Real, Portugal. Après avoir grandi à Neuchâtel, il s’est installé à Lausanne ou il vit et travaille depuis 2006. Diplômé d’un Master en Arts visuels à L’ECAL, il est membre de l’espace d’art, Standard/Deluxe.
miguel.menezes84@gmail.com
+41 79 749 30 24
texte de Alexandre Lanz:
“Si 2020 restera une année entre parenthèses pour l’ensemble de l’humanité, elle gardera une saveur particulière pour Miguel Menezes. Au retour de sa résidence d’artiste à Gênes fin février, le peintre de 36 ans prend une longueur d’avance sur l’insouciance de ses amis qu’il s’apprête à retrouver à Lausanne. Il se souvient de l’ambiance apocalyptique en gare de Milan: «En Italie, le coronavirus était précoce. On voyait peu de masques à Gênes, mais on parlait déjà beaucoup de Venise et de Milan. Au moment où je suis rentré, j’ai compris l’ampleur de ce que nous allions traverser. L’état d’urgence était décrété en Lombardie. Dans le train, les haut-parleurs diffusaient des messages de prévention. A Milan, j’ai vu les files d’attente devant les pharmacies en manque de masques et de gel. Les gens se protégeaient le visage avec des écharpes et les vigiles patrouillaient dans les gares avec des pistolets pour prendre la température des voyageurs. Une semaine après, les frontières fermaient.»
En repensant au printemps, son récit a aujourd’hui une résonance prémonitoire. Avec une issue heureuse: le 21 juin, premier jour de l’été et plus longue journée de l’année, Miguel Menezes vernit sa toute première exposition post-confinement «Structurer les éclats». Le Tout-Lausanne s’y presse dans un élan de retrouvailles et l’envie de voir des œuvres, en vrai sur des murs, et non sur des écrans de téléphone. L’énergie positive est contagieuse, on partage les coups de cœur parmi les douze tableaux et quatre dessins accrochés. C’est un peu la revanche de l’art sur le virus: «Le vernissage a pu se faire grâce à l’assouplissement des mesures avec une liste exhaustive des présences, des masques et du gel sur place tout en profitant du jardin à l’extérieur. C’était très beau de voir les gens heureux de se retrouver.»
Lors de la soirée, plusieurs personnes remarquent la couleur dans ses tableaux. Une nouvelle gamme chromatique pour l’artiste qui avait l’habitude de travailler essentiellement le noir, le blanc et le gris jusqu’alors. «Je suis tombé sous le charme du village Sestri Levante en Ligurie et l’architecture sur la côte qui va de Gênes à la Toscane, observe-t-il. J’y ai découvert des palettes de tons pastels et des compositions qu’on n’a pas l’habitude de voir ailleurs: des roses avec des jaunes, du vert pistache avec du bleu ciel, ça m’a nourri. J’ai aussi aimé ce rapport que l’Italie entretient avec la pierre, le marbre, le granit mais aussi avec le trompe-l’œil.» Les murs, c’est d’ailleurs là que tout commence pour lui. Très exactement ceux de Neuchâtel où adolescent, il se passionne de culture hip-hop et se lance dans le graffiti. Inspiré par la matérialité et les couleurs de la péninsule Italienne, il ressent dès son arrivée en décembre 2019 un avant-goût de l’isolement des premiers mois de l’année 2020. «Il y a quelque chose d’assez étrange de se retrouver hors saison dans un pays touristique, mais ça n’est pas désagréable du tout. Il y avait cet aspect fantomatique dans Gênes et ses places vides. On est loin de l’image qu’on se fait des terrasses en Italie! En hiver, la lumière est également très différente, elle est plus froide mais pas moins belle.»
Lors de sa résidence, il consacre son temps à la recherche pour son travail. Il lit, il dessine. Il apprécie la temporalité plus lente de la peinture, comme un contre-pied dans un monde saturé d’images. «Ma pratique prend parfois d’autres formes, comme des collages ou des sculptures, qui donnent lieu à des idées à développer plus tard sur toile. Le moment entre le début du tableau et le résultat final est ponctué de différentes phases de réalisations, il s’agit pour moi d’une pratique sur la durée qui débute dès la fabrication du châssis. Ce processus complet jusqu’à l’aboutissement d’une image me plait beaucoup.»
Trêve d’Instagram pendant un été où l’on goûte au farniente en Suisse, le moment est propice à la découverte de l’exposition «Structurer les éclats» de Miguel Menezes, à voir au Valentin 61 Cabinet Marie-Christine Gailloud-Matthieu jusqu’au 15 août à Lausanne. Puis à l’Espace Arlaud, toujours à Lausanne, où il participe à la quatrième édition de l’exposition «Des Seins à Dessein» réunissant 45 artistes contemporains en faveur de la Fondation Francine Delacrétaz pour les personnes atteintes du cancer du sein, à voir du 4 septembre au 8 novembre.”