Depuis 25 ans j'habite en ville, à Clarens, commune de Montreux. Ses cliniques et écoles privées, son festival de jazz et ses paysages la rendent essentiellement touristique.
Bien que la moitié aérée du territoire de Clarens soit réservée aux Bosquets de Julie, son autre moitié densifiée est la cité dortoir de Montreux.
Il y a 7 ans je suis allée à Morphy. Point de passage pour l’Eldorado, Morphy est un lieu sans or découvert grâce à la nouvelle boussole d'une Europe divisée et avide. Difficile d’accès, sa plage déserte composée de squelettes de corail et ce nom ont résonné en moi sans que je sache exactement pourquoi. Morphy m'a poursuivi et s'est finalement précisé dans ma pensée.
Aussi grand que ce que mes pas ont porté, j’ai commencé a le cartographier en 2016.
Le nom des différents lieux se base sur sa toponymie et la répartition de son territoire. Sorte de psychoarchéologie pré ou post-apocalyptique, Morphy est le prétexte pour faire émerger un univers empirique à la recherche d’une méthode pour “lire“ la ville et ma vie.
Entre West End, la Villa Karma et La Plage, Studio 91 se situe au centre de Morphy et en est son camp de base, son point de repère.
Il s’agit d’un atelier occupé par deux artistes, l’un sculpteur et l’autre peintre, qui a éclos en 1991.
Lorsque Marie-Christine Matthieu m’a proposé une exposition, j’ai pensé que 2021 était l’occasion de commémorer les 30 années d’existence du Studio et que la “danse“ de ces sortes de chromosomes serait appropriée au lieu.
Studio 91 est donc une suite de 30 peintures qui reprend les murs de l’atelier et fait poser 2 modèles.
Les fonds naviguent entre une composition abstraite et la représentation du mur de l’atelier protégé par des plastiques recyclés (tons gris-vert) où les traces des peintures précédentes se sont superposées. Les débordements du cadre, l’épuration du pinceau ou les réglages de l’aérographe suggèrent une certaine géométrie induite par les contours de ces travaux passés et tendent ainsi à une forme de perspective dont le lieu serait la peinture. Ces peintures fantômes dans la peinture confondent le temps et par contraste cette sensation est accentuée par les modèles flottants, en suspension, dont les volumes réalistes sont renforcés par des dégradés fins de lignes colorées.
Les peintures Dégradés évoquent tour à tour une inspiration et une respiration. D’abstraction pure ils pourraient être un détail macroscopique des modèles ou la lumière qui les éclaire. Ou encore la mémoire, un fantôme, son souvenir.